Chartres Métropole Eurelien.fr : Conseil départemental d'Eure-et-Loir Site officiel de la Région Centre-Val de Loire

Un peu d'histoire

Cahier des doléances, plaintes et remontrances de l'agriculture du Pays Chartrain, dressé par le Tiers Etat et soumis à l'Assemblée du Baillage tenu à Chartres le 2 mars 1789, pour la nomination des députés aux Etats Généraux

Briconville

26 feux - 12 électeurs - 2 députés : Claude Guerin, Sindic de la Municipalité, et Jacques Ricourt, laboureur

Les habitants de Briconville demandent :

  1. Que tous les étrangers qui prennent à ferme des lots de terre de la paroisse, soient compris au rôle de la taille1 de la dite paroisse, à raison des dits objets nonobstant toute déclaration que les dits étrangers pourroient faire de payer la taille1 dans le lieu de leur domicile, disent les habitants qu'elles sont frauduleuses et frustratoires ;
  2. Se plaignent : que, pour le recouvrement des deniers royaux et pour en forcer le payement, on ait inventé des espèces de gens qu'on nomme chefs de garnison, qui sont une nouvelle charge pour les peuples qui ne sont déjà que trop accablés d'impôts ;
  3. Que les dits habitants ne sont accablés d'impôts que parce que les ministres et leur agents, tant que l'administration que dans les financés, sans égard aux lois du royaume qui veulent que les français ne puissent être taxés que de leur consentement, ont insensiblement écarté et renversé tous ces obstacles, et augmenté, jusqu'à l'excès, par l'effet de leur volonté, la charge du peuple dont ils ont dissipé le produit ;
  4. Qu'aucune partie de leur propriété ne puisse leur être enlevée par des impôts, s'ils n'ont été préalablement consentis par les Etats-Généraux du royaume composés, ainsi que le veulent la raison et la loi, de députés librement élus par tous les cantons sans aucune exception, et chargés de tous pouvoirs ;
  5. Se plaignent de l'oppression des seigneurs qui accablent leurs vassaux2 par la multiplicité de leurs droits féodaux, comme banalité3, et qui dévastent les campagnes par leur chasse irrégulière, la quantité de gibier de toute espèce dont ils sont infiniment jaloux, et pour le nombre infini de leurs pigeons ; et pour remédier à des abus si craints, supplient les dits habitants Sa Majesté d'obliger les dits seigneurs à faire enclore de murs leurs bois et garennes, faire détruire leurs colombiers et volières, et qu'il ne leur soit permis ni à aucuns roturiers d'en construire ni d'en établir dans la suite ;
  6. Demande la suppression des justices seigneuriales qui ne servent qu'à multiplier les procès ; en outre la suppression des tabellions et sergents de campagne qui, par leur impéritie, ne font qu'embrouiller les affaires ;
  7. Se plaignent du brigandage des gens de justice, des procédures vexatoires des procureurs qui ruinent la fortune des citoyens, et dépouillent la veuve et l'orphelin ;
  8. Demande la suppression des dixmes4 des bénéficiers dont le payement cause un préjudice très-notable à l'agriculture ; demandent en outre l'abolition du droit d'étole, et de tous ces droits odieux pour baptêmes, mariages et sépultures, et que pour doter honnêtement ..................... on supprime tant de communautés qui sont dans la classe des gens inutiles, qu'on diminue ces grandissimes revenus qui ne servent qu'à l'ostentation et à la vanité, tandis qu'ils devroient être le patrimoine des pauvres ;
  9. Que Sa Majesté tienne la main à ce que l'école de chirurgie examine scrupuleusement les sujets qu'elle envoye dans les campagnes ; qu'on y envoie que les sujets capables et de bonnes mœurs. Car l'expérience ne démontre que trop combien de maux ces gens-là causent par leur ignorance, dans les maladies et les fléaux qui affligent l'humanité ;
  10. Que Sa Majesté supprime la vénalité des charges5, et qu'elles ne soient données qu'au mérite et à la vertu, afin que cette malheureuse invention ne porte plus le découragement dans l'âme de cette partie des sujets de Sa Majesté la moins fortunée et souvent la plus instruite ;
  11. Supplient Sa Majesté de jeter un regard favorable sur la plus grande partie de son peuple que l'indigence met dans l'impossibilité d'avoir les choses les plus nécessaires à la vie, à cause des droits exorbitants qui en augmentent le prix, comme sont les entrées, les boissons, le sel, etc...

(Annuaire du département d'Eure-et-Loir - 1848 - n°9 - pages 270-271)


1 taille : la taille est un impôt direct de l'Ancien Régime français. Il devient annuel et permanent en 1439 lors de la guerre de Cent Ans.

2 vassalité : héritière de la recommandation du Haut Moyen âge, la vassalité est la situation de dépendance d'un homme libre (vassal, du latin vassus) envers son seigneur par la cérémonie de l'hommage. Le système féodo-vassalique s'est développé à cause de l'affaiblissement de l'autorité publique après l'effondrement de l'empire carolingien (Xe-XIe siècle) : l'empereur, les rois et bientôt les princes territoriaux étaient incapables de faire régner l'ordre et d'imposer leur pouvoir aux seigneurs locaux. Un réseau de relations d'homme à homme s'impose donc, donnant des droits et des devoirs pour chacun d'entre eux, une pyramide sociale allant théoriquement du roi au grand seigneur (grand feudataire), seigneur, vassal et arrière-vassal (vavasseur) mais dont l'effectivité dépend de l'autorité du supérieur.

3 banalité : les banalités sont, dans le système féodal, des installations techniques que le seigneur est dans l'obligation d'entretenir et mettre à disposition de tout habitant de la seigneurie. La contrepartie en est que les habitants de cette seigneurie ne peuvent utiliser que ces installations seigneuriales, payantes. Ce sont donc des monopoles technologiques.

4 dîme : la dîme (du latin decima, dixième) était, sous l'Ancien Régime en France, un impôt collecté en faveur de l'Eglise catholique et servant à l'entretien des ministres du culte.

5 vénalité : la vénalité désigne le caractère de ce qui est vénal, c'est-à-dire ce qui peut être vendu ; le mot et l'adjectif s'appliquent aussi bien à des actions qu'à des individus. On qualifie les prostituées de "femmes vénales", car elles font commerce de leur corps, elles se vendent.

(Source : Wikipédia)